Les timidités de Julie

Les timidités de Julie

Publiée le 03 août 2014  

Ce mercredi d'août à 22 heures, le thermomètre affichait toujours 30°C au cinquième étage de notre appartement parisien. Pas un souffle d'air et pas moyen d'en créer un. L'idée stupide m'était même venue de laisser grande ouverte la porte du réfrigérateur.

Béa avait pris sa garde aux urgences et ne serait de retour que le lendemain matin.

Non loin du ventilateur que j'avais disposé face au mur pour l'air que me revint par réflexion, je m'étais affalé sur le canapé.

La chaleur ne m'avait pas distrait de ce qui était devenu un rituel pour mes célibats d'une nuit : tenter quelques échanges coquins sur des sites de rencontres, même si, je dois le reconnaître, en coquin trop maladroit, j'avais pris l'habitude d'y échouer systématiquement.

Me croyant pourtant assez instruit des codes en vigueur dans les espaces de conversation, je me laissai entreprendre ce soir-là par une internaute répondant au pseudonyme prometteur de SAGE-FEMME-69 …

« - Slt, tres sex ta foto de bo gosse, dispo. pour un dial cokin ?
- Slt, oui, bien sûr. Joli pseudo … c'est manifestement un oxymore,
répondis-je.
- Ben non, sage-femme, c'est la vie, dc pas oxymort !!!
- Ah … écrit comme ça, ça devient un pléonasme.
- T'es d'ici ?
- Je ne sais pas ce qu'est « ici » pour toi. En ce qui me concerne,
je suis parisien. Et toi ? 69, c'est le Rhône, non ?
- Non, de paris aussi. T komen au lit ?
- Au lit, je suis allongé, en règle générale. J'ai bien essayé de dormir debout sur une patte comme les flamands roses mais c'est peu reposant et surtout ça flingue vite le matelas.
- OK. Slt. »

Sans être nostalgique des aurores de l'humanité, je regrettais parfois que Sade, Crébillon ou Flaubert ne pussent être témoins de ces échanges peu littéraires où un plan Q n'est manifestement pas toujours un plan QI.

À 22 h30, on sonna à l'interphone et je fis vite disparaître rapidement les traces de cette conversation avortée sur mon ordinateur portable.

« — Salut Alex, c'est Julie. Beatrice est là ?
— Salut ma belle ! Non, Béa est de garde cette nuit. Mais que ça ne t'empêche pas de monter dix minutes ! Vas-y, je t'ouvre. »

Julie était une femme brune, souriante, une quarantenaire épanouie.

Deux de ses petits détails physiques me rendaient faible.
Le premier était sa peau, une véritable peau à parfum qui fixe à peu n'importe quelle fragrance tout en la sublimant avec l'odeur naturelle de sa propre peau. Le second était ce grain de beauté, magnifiquement situé sous sa lèvre inférieure, à la manière d'une mouche, la Friponne, je crois, dans les codes esthétiques de l'Ancien Régime.

Chirurgienne de profession, de "vocation" devrais-je même dire, Julie était aussi une femme pleine de ces contrastes qui trahissent souvent une timidité surmontée.

Ainsi, son éducation parisienne bourgeoise frisait volontiers le cliché et voulait qu'elle s'habillât en petits tailleurs chics et chers. Mais qui connaissait un peu Julie savait qu'elle jouait là un rôle et surtout qu'elle était susceptible d'en sortir, à tout moment et d'une manière fulgurante ...

Par exemple, un jour où nous supportions ensemble l'un de ces dîners convenus entre gens qui s'obligent à se fréquenter, Julie n'avait pu contenir sa verve à l'endroit d'une vieille rombière dont la vie et les dîners consistaient essentiellement à faire savoir qu'elle était la femme du Professeur D., chef de service agrégé de chirurgie dans un célèbre hôpital : 

« — Nous voilà au dessert, Madame D. Nous avons fait le tour de vos allergies au caviar et des difficultés que vous aviez à planquer votre pognon en Suisse. À part ça tout va bien ? »

À elle seule, cette réplique ciselée au bistouri pouvait résumer Julie,
un petit bout de femme admirable de courage et de beauté mais capable de pétrifier instantanément son auditoire comme dans une animation de Tex Avery.

Avec ce même franc-parler, mon invitée arriva au 5ème, sortit de l'ascenseur et s'exclama sur le pas de la porte :

« —Il fait chaud, c'est une horreur  !! Je t'embrasse mais, je te préviens, je colle de partout ...
— Entre ma belle ! Je n'arrive pas à produire une température acceptable ici ... Mais la salle de bain est à toi. Il y a des serviettes propres dans le placard. Fais comme chez toi. Tu peux même prendre une douche si le cœur t'en dit. Personnellement j'en suis à ma quatrième depuis ce matin ! »

Julie se laissa tenter par la douche et revint au salon après le quart d'heure qui m'avait permis d'attraper une bouteille de son champagne préféré ainsi que quelques olives.

Je l'invitai à se mettre à l'aise sur le canapé d'angle et m'assis en face d'elle pour l'écouter me raconter sa journée de travail : neuf consultations de gynéco-obstétrique et quatre accouchements.

En même temps qu'elle me parlait, Julie n'avait de cesse de croiser et de décroiser les jambes. Tous les deux ou trois mouvements de ciseaux, elle réajustait soigneusement sa petite robe noire imprimée à fleurs. 

C'est en s'esclaffant qu'elle me raconta, dans son vocabulaire favori, l'épisiotomie sur laquelle s'était achevée sa journée :

« — Écoute, elle m'a tellement fait chier cette patiente depuis le début de sa grossesse que je lui ai fait une coupe de printemps ! ».

Avec le concours marginal de ce petit champagne, rosé et rafraîchissant à souhait, Julie ne s'encombrait plus de pics en bois et saisissait désormais les olives directement entre l'index et le pouce.

Elle commençait à rigoler chaudement, non seulement de me voir choqué de son vocabulaire — c'était là une chose courante entre nous — mais, plus encore, du regard probablement expressif que je lui jetais.

Nous n'étions pas ivres mais plutôt visités par les muses, cet état fragile où le champagne et la chaleur convolent harmonieusement.

Cela ne lui avait pas échappé, je me délectais de la regarder arrondir ses lèvres pour porter à la bouche chaque olive avec une sensualité gourmande. 

D'ailleurs, elle ne se contentait plus de les gober. Au relief laissé ici et là dans le creux de ses joues, je devinais qu'elle les suçait chacune quelques secondes avant de les cranter d'un coup de dent.

Nous étions passés sur les questions classiques, les nouvelles de ses enfants, mes révisions fastidieuses pour l'agrégation, bref l'actualité des uns et des autres, au point d'avoir apparemment épuisé les sujets faciles.

Tandis que je tentais de lui servir sa troisième coupe, moi aussi un peu désinhibé, je fis maladroitement tomber au sol la coupelle et ses occupants, trois malheureuses olives sursitaires. 

« — Et merrrrde ! Désolé ! » fis-je.

Rien de grave toutefois. Ma seule crainte concernait les éclaboussures d'olives.

Julie écarta machinalement les jambes pour me laisser m'accroupir et réparer ma bêtise. Une serviette en papier à la main, je me mis rapidement à genoux, bien décidé à traquer et à éponger les projections.

Pourtant, un instant suffit à me transformer. Autant je fus prompt à me précipiter à terre, autant, une fois au sol, je me sentis pris d'engourdissement.

Mon invitée perçut rapidement le trouble qu'avait déclenché chez moi cette position et me tança ironiquement :

« — Et oh, Alex ? ça va ? T'as trop bu ? Tu fais un malaise ?
— Non, non ... euh ... rien de tout ça. C'est ... Enfin là, je suis ... là quoi ... Ton parfum ... Tu .... Tu vois, je, je ...
— Dis donc, ne fais pas ça au grand oral de l'agrég. ! C'est un peu court, rigola-t-elle. ».

Bien sûr,  Julie m'offrait l'un des angles de vue les plus excitants sur son corps. Rassise au fond du canapé et jambes très écartées, elle me laissait au sol à mon labeur de Cosette. 

Immobilisé, ma tête à hauteur de ses genoux, je me trouvais dans la situation d'un insecte paralysé par le venin de son prédateur. Impossible de coordonner trois mouvements simples, les mots ne me sortaient plus de la bouche et la sueur me venait au front.

Si elle était elle-même émoustillée par la posture dominante que lui conférait la scène, Julie comprit vite qu'elle venait de me faire le prisonnier de ses signaux olfactifs. Un chef d'œuvre de la chimie. Dans une divine proportion se mélangeaient l'odeur sucrée de sa peau, son eau de parfum et une douce effluve enivrante chargée de phéromones ...
Par le hasard des courants d'air, le ventilateur faisait office de seringue et m'administrait cette drogue à hauteur de narines.

« — Ne reste pas comme ça, je suis en pleine ovulation et ça m'excite ! me lâcha Julie sur ce ton bien à elle qui ne sépare jamais le bon grain de l'ivraie.

— Euh ... Tu ... Tu plaisantes là ? Dus-je lui dire, érubescent de gêne.

— Non, t'imagines même pas comme je suis mouillée ... Et en plus, comme Béa m'a confié tes petites paraphilies, je n'ai aucun doute sur tes envies ... N'est-ce-pas ? ».

Je connus là la douleur de la frustration. Assurément, je la désirais, c'est même peu dire que j'avais très envie d'elle. Et pourtant, je restais encore sous le coup de son envoûtement, incapable d'articuler la plus simple des phrases. Pas même l'acquiescement sans réserve qui s'imposait à moi.

Je finis de m'agenouiller face à elle. Toujours assise sur le canapé, Julie avança son bassin jusqu'au bord du coussin, leva la jambe et cala son pied gauche sur la table basse, l'autre repliée sur le canapé. 

Puis elle serra mon visage entre ses mains, aligna mon regard sur le sien et se fendit de ses doléances le plus sérieusement du monde :

« — J'ai envie que tu me lèches, me dit-elle d'une gorge serrée qui ne mentait pas sur son désir. Il paraît que tu fais ça comme un dieu. ».

Faute de trouver les mots, je me mis en action. Au fur et à mesure que j'avançais ma tête à l'intérieur de ses jambes, je sentais la moiteur de ses cuisses imprégner mes joues.

La pointe de ma langue entama un long chemin sur l'intérieur de sa cuisse gauche, en partant du genou et en remontant vers son triangle.

Les yeux fermés, je commençai ce chemin initiatique qui ne mène pas seulement au sexe d'une femme mais à l'incarnation du cœur de l'humanité.

En ramenant à elle ses deux genoux, Julie m'offrit le spectacle de son intimité. Déjà trempé de cyprine, le satin noir de sa culotte collait à son pubis et épousait ses formes. Au sommet de ses lèvres parfaitement dessinées sous le tissu humide, une bosse laissait deviner un clitoris qui, fièrement tendu, s'annonçait comme l'épicentre de son orgasme.

Le contact de ma pointe de nez à cet endroit précis lui arracha un premier soupir. Malgré ma détermination à vouloir la faire languir dans ces instants précieux, elle ne put s'empêcher de serrer sa main droite dans mes cheveux et de forcer la pression de ma tête sur son clitoris.

En direction de ma bouche, elle tendit son index et son majeur gauche. Décidément, Béa n'avait dû lui épargner aucun détail de nos habitudes sexuelles car c'est très exactement par ce geste que ma femme aimait prélever un peu de ma salive. Sans autre question, je reproduisis ce rituel avec Julie et mon intuition fut confirmée lorsque je la vis humecter généreusement ses mamelons. Une habitude de Béa, elle aussi ...

Du regard très incident que je pouvais encore porter sur elle sans interrompre mon ouvrage dans sa chatte, j'observais le roulis qu'elle imprimait à ces tétons. 

Elle bousculait son mamelon de la pulpe de l'index, elle frottait ses aréoles irisées, et pressait ma tête d'un coup sec à l'intérieur de sa fente. Sur ce rythme de valse à trois temps, elle posait la musique de son souffle, tantôt pris dans une longue inspiration gémissante, tantôt très saccadé.

Au travers de sa culotte, bouche collée au tissu, je soufflais le chaud par petites vagues, j'accentuais les mouvements, j'aspirais ou mordillais son bouton d’amour et je buvais le doux nectar qui percolait sous la pression des petits jets.

En cette circonstance, je me remémorais curieusement les scènes de Camus. Une chaleur assommante ne relève plus de la circonstance ou du simple paramètre, elle se mue parfois en un personnage qui dépouillerait de son flegme et de sa raison le plus posé des cartésiens. Au cœur de l'intimité de Julie, j'étais précisément un petit animal assoiffé que l'on ne raisonne plus.

Quel plus beau spectacle que celui de sa chatte mouillée ? La voir par le filtre d'une fine couche de satin démultipliait mon excitation.

Julie attrapa mes doigts. Dans un grognement, elle me prescrivit encore une fois de faire "comme avec Béa ...".

Elle savait que je ne décolérais pas d'imaginer l'étendue de leurs discussions de filles ! Mais, en bonne joueuse, elle tentait aussi de convertir cette énergie pour qu'elle devînt le carburant de son propre plaisir.

En l'occurrence, et comme Béa l'aimait effectivement pour une masturbation, je plaçai ma main, paume ouverte, vers son entre-jambes. De toute sa longueur, mon pouce appuya sur sa fente et je collai mon majeur sur son anus. Dans cet écart de compas, la pince ainsi formée offrait toutes les combinaisons de pressions sur le périnée et son entourage.

Je me mis à la serrer sur un rythme ternaire en accélérant le tempo pendant plusieurs minutes.

Julie plaqua brusquement sa main droite sur la mienne et me laboura vigoureusement de ses ongles. Creusée et arquée par la cambrure maximale de son dos, elle me gratifia d'un cri strident en même temps qu'elle lâcha ses jus, assez puissants pour garder la forme de petits jets au travers de sa culotte.

Julie s'immobilisa quelques minutes puis, sans prononcer un mot, se leva et se dirigea vers la salle de bain. 

Interdit, je restai sur le canapé. Mon désir inassouvi se résolvait en rosée au-devant mon boxer, trempé en grande partie. 

En l'entendant se faire couler un bain à grande eau et en l'imaginant s'y décontracter, je me demandais
quelle peau de vache elle pouvait bien être pour me laisser ainsi en souffrance d'une érection devenue douloureuse alors qu'il ne lui aurait coûté que quelques courtes caresses pour me faire jouir.

Comme pour en rajouter à mon désarroi, un bip m'annonça l'arrivée d'un SMS : "Julie doit passer ce soir. Offre lui l'apéro et fais lui de gros bisous. Je t'aime. Béa".

Quoiqu'il fût probablement bienveillant, ce SMS m'arriva comme une gifle. Il me décida à aller voir Julie.

Je frappai plusieurs fois à la porte de la salle de bain et finis par y entrer sans m'y être fait clairement autorisé.

« — Enfin, te voilà ! rigola Julie. Je commençais à me demander ce que tu foutais tout seul dans le salon ! ». 

Elle avait éteint la lumière et rempli la baignoire d'une eau brûlante.
Une véritable étuve, insupportable par cette chaleur. Dans ce qui n'était qu'une pièce exiguë de dix mètres carré, la vapeur était littéralement saisissante. 

Seule la petite veilleuse du miroir de courtoisie dessinait un halo faiblard. A la direction de sa voix, je compris qu'elle n'était pas allongée dans ce bain bouillant mais probablement debout face à moi.

« — Ambiance hammam ! me lança-t-elle, ça te plait ? Avance, ferme la porte, et surtout ne dis rien. ». 

Respirer ici convoquait déjà l'effort. Dans ce lieu brumeux, pas de place pour l'agitation, tout mouvement ne s'exécutait qu'à l'économie et au ralenti.

Julie avait pris la peine de soigner le décor. En fouillant dans le bazar des produits de bain, elle avait trouvé de quoi créer un parfum ambiant : huile d'argan, fleur d'oranger et une troisième note que je ne discernais pas.

Elle me fit prendre place à côté d'elle sur le rebord de la baignoire. Comme un cadeau, l'émail restituait là une chaleur diffuse, d'abord au contact de nos cuisses puis dans nos bassins. 

Après les dix minutes qui suffirent à nous acclimater, elle guida ma main jusqu'à son cou puis jusqu'à sa poitrine. La vapeur s'y déposait doucement en perles et le faible éclairage imprimait une somptueuse brillance à sa peau. 

Dans le creux de mon oreille, elle lâcha quelques mots sans ambiguïté que la pudeur lui défendait sans doute de prononcer à haute voix. Julie sourit de me sentir honteux. Honteux d'une excitation qui devenait douloureuse.

Mon amante me guida au sol sur le tapis et me fit assoir en tailleur. Sans ménagement, elle vint sur moi, assise aussi, ses jambes croisées dans mon dos et les miennes dans le sien. 

De ses grandes lèvres, elle enserra mon gland écarlate puis, avec la précision du chirurgien, elle s'immobilisa. Comme elle aurait pris un pouls, je la vis rechercher contre son vagin la sensation des afflux sanguins qui irriguaient mon sexe. 

Julie allait et venait d'avant en arrière avec une précision quasi millimétrique. À mon tour, je sentais se former en elle les contractions circulaires qui annoncent l'orgasme.

Forte de ce qu'avaient dû être les confessions de Béa, Julie mît en mots ces instants importants :

« — Tu aimes ? Tu préfèrerais que je te suce ? Parle-moi !! Tu préfèrerais sentir mes mains serrer et tirer ta queue en arrière ? Tu aimerais que j'y dépose généreusement ma salive ? Réponds-moi, bon sang !! Tu aimerais que je détaille ton pénis de haut en bas d'une pointe de langue ? Tu aimerais le goût que je laisserais sur ton sexe ? Dis-moi ! Tu aimerais sucer mes doigts ? ». 

Il ne m'en fallut pas plus. De ces quelques mots, Julie m'arracha un bruyant râle de jouissance.

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