Pornstar

Pornstar

Publiée le 10 décembre 2013  

Une fois n'est pas coutume, je vous offre un extrait qui traite bien de sexe, de baise, mais il n'est en rien érotique. Il est extrait de Pornstar d'Anthony Sitruk, livre sulfureux dont le héros, Alan, ancienne vedette du cinéma pornographique français, regrette l'évolution du milieu du X.

Dans cet extrait, Alan discute avec AliX, jeune starlette du X à la dérive.

***

Anthony Sitruk et les Editions La Musardine ont la gentillesse de faire gagner un exemplaire du livre à l'un d'entre vous. Le gagnant sera tiré au sort parmi les commentaires le 16 décembre à 10h00.

***

Quelques minutes plus tard, nous en sommes là, marchant côte à côte dans les allées du parc Monceau tandis que le vent se faufile dans nos cheveux. Nous passons devant les balançoires et le manège, des gosses insouciants jouent, se bousculent et se chamaillent devant leurs parents.
J’essaye de deviner si elle est choquée par ce que je lui raconte depuis trente minutes. Je n’ose pas lui poser la question, je n’ose pas lui demander si mon quotidien est aussi lamentable à ses yeux qu’il peut l’être aux miens.

« Je vous en ai voulu, vous savez. Je vous en ai terriblement voulu. J’aurais pu vous tuer, vous et ce réalisateur. Il ne m’a même pas encore payé mon salaire complet. Après cette première scène je ne pensais plus à grand chose, j’étais vide, moi aussi je n’étais plus rien, mais ce n’était pas le pire, ça ne me faisait pas mal à ce moment. C’est une fois rentrée chez
moi que je me suis sentie sale. Mon visage, mon corps, ma peau me faisaient horreur, me dégoutaient, j’ai voulu mourir.
— Ce n’est pas toujours comme ça… Vous êtes tombée sur le mauvais mec.
— Je n’ai pas réussi à faire une deuxième scène. Tout était réservé, je devais filer en Espagne pour tourner mais je n’ai pas pu et je les ai plantés là. Je me suis sentie agressée,
violée. Avant de me rendre compte que j’avais eu très exactement ce que j’avais voulu et cherché, ce pour quoi j’avais signé.
— Et maintenant ?
— Et maintenant j’ai peur. Peur que les étudiants ou pire les profs de la fac voient cette scène. Qu’on me juge, que ça me poursuive un siècle. »

Sa voix est sèche, comme déconnectée des mots qui sortent de sa bouche. Je pourrais bien lui raconter l’anecdote, restée célèbre dans le milieu, de Laure Sainclair se faisant plus ou
moins séquestrer sur un tournage de la société Défi, tournage soi-disant si affreux qu’elle a failli mettre un terme à sa carrière, mais à quoi ça servirait, je vous le demande ? À la consoler ? Lui prouver que son cas n’est ni isolé ni dramatique?

Mais la petite a bien cerné le problème : pour 200 euros à tout péter, elle a bradé son cul, sa chatte, son honneur, son identité, son avenir, ses rêves, ses espoirs, son âme, à un connard qui diffusera les images pendant des siècles à venir sans lui reverser un centime de plus. Et l’amnésie collective n’existe pas sur Internet : une fois en ligne, c’est fini. Soit tu assumes comme Nina Roberts. Soit tu te flingues au BZD, comme Karen. Karen mon coeur, Karen mon ange. On m’a reproché de cracher dans la soupe, de me plaindre en public et de révéler des histoires qui auraient dû rester dans le cadre de « l’intimité ».

On me le fait payer, encore aujourd’hui, mais le porno, le porno d’aujourd’hui, celui que je pratique désormais et que découvriront un jour ces gamins qui jouent devant nous sur les balançoires du parc Monceau, ce porno-là, ce n’est en rien le porno que j’ai connu, celui que j’ai aimé, celui qui m’a fait vivre. Ce porno-là, ce flots d’insanités dégueulasses téléchargeables à la pelle, ce nuage malsain qui se situe loin, très loin en dessous du carré de résistants que forment les B. Root, Lavil, Perin, Tyler et compagnie, ce porno dans lequel les acteurs et pire encore les actrices ne valent plus rien une fois la scène tournée, ce porno-là, dis-je, je ne sais pas ce que c’est et je ne veux pas le savoir. Ce porno là, c’est des mecs qui jouissent sur la gueule des filles, c’est la femme qui en prend plein la tronche. Il a tué Karen et il en tuera d’autres.

« T’as juste pas eu de chance. Il y en a eu d’autres avant toi, des nanas dans ton genre, et il y en aura d’autres après. Pourquoi lui ?
— Ils sont comment, les autres ?
— Les autres peinent, ils bossent dur, mais ils sont honnêtes. Il en reste quelques-uns.
— Qui ?
— J’en sais rien, ça fait tellement longtemps que je ne bosse plus avec eux. Lafait, MMM100, B. Root, Alkrys… Ou une production de Coppula…
N’importe quoi mais pas ce pourri.
— Vous bossez bien avec lui, vous.
— Moi je n’ai plus le choix depuis longtemps.
— C’est un peu facile, non ?
— Tu crois que c’est facile ? Tu le penses vraiment ? »
Elle ne rebondit pas parce qu’il n’y a rien à répondre et que moi-même je n’ai pas de réponse à ces questions.
« Et maintenant ? »

Bonne question, à laquelle là non plus je ne trouve pas de réponse pour la satisfaire, elle est suffisamment mal en point comme ça pour que je lui évite la vérité. Son cul sera  effectivement visible pendant des années, et ses potes tomberont forcément dessus un jour ou l’autre. Et ils se branleront forcément dessus sous prétexte que c’est plus excitant lorsqu’on connaît l’actrice. Et ils s’échangeront forcément la vidéo derrière son dos, et ils la traiteront de pute, et ainsi de suite, voilà ce qui l’attend, ce qui n’est certes pas glorieux,
glamour encore moins et si j’étais elle, je me passerais d’un avenir pareil.

Certaines questions ne méritent pas de réponse tant elles sont évidentes, alors je tourne la tête vers le manège et je regarde les gamins tournoyer dans une fusée intersidérale ou un camion de pompier.

***

Je vous invite à lire la critique de Pornstar par mon amie Clarissa Rivière sur son blog.

Procurez-vous sans plus attendre Pornstar d'Anthony Sitruk, publié aux Editions la Musardine ici.

***

***

Mise à jour du lundi 16 décembre 2013.

Le gagnant est ... roulement de tambour.... le numéro 7 : Stan, je vous envoie un email sans plus tarder.

***

Nouvelles Erotiques est partenaire d'X-art, le plus beau site de vidéos porno.