Pour la Saint-Valentin, allez au Bal à la Page !

Pour la Saint-Valentin, allez au Bal à la Page !

Publiée le 13 février 2013  

Depuis 2009, chaque année en novembre se tient le festival des Livres en Tête. En 2012, près de 450 personnes ont participé au concours de nouvelles (en 400 mots maximum) sur les thème "Policier" et "Libertin".

Aujourd'hui, je vous propose 5 nouvelles parmi les 30 finalistes. On y retrouve l'expression de fantasmes, de désirs, pas toujours assouvis...

Je profite également de cette occasion pour vous annoncer que le Bal de la Page, événement phare du festival des Livres en Tête organisé par les Livreurs, lecteurs sonores, aura également lieu demain, pour la Saint-Valentin. Il s'agit d'une soirée dansante entrecoupée de lectures et j'espère que vous pourrez vous y rendre nombreux.

 

New Dream, Mylène Harlay

17H. Je quitte mon bureau et me dépêche de rentrer chez moi. Une inconnue parmi des inconnus. Une femme peu passionnante qui exerce un métier peu passionnant. Du moins dans cet univers. Mais quand je rentre chez moi, j'allume mon ordinateur, m'appareille  de capteurs et de lunettes et entre dans la communauté virtuelle «New Dream».

Ici, je suis Kate, jeune femme de trente-deux ans, propriétaire d'une boîte de nuit très particulière et branchée. Je suis parfaite : les cheveux blancs d'un ange, les yeux bleus. Ici, les seules limites sont celles de l'esprit, pas d'interdit. Matérialisée dans cet univers, j'entre dans mon établissement et passe dans la deuxième partie de mon club pour une soirée «no limit». La décoration est des plus raffinée : lits à baldaquins, drap en soie, salons privés, etc.

Je dépasse plusieurs salons et rejoins Maria et son partenaire pour la soirée. Après avoir embrassé mon amie, je tourne mon attention vers son bel inconnu. Sur un signe d'acquiescement de Maria, je l'embrasse avec passion et mordille ses lèvres. Connaître son nom est inutile. J'invite mes deux partenaires à me rejoindre dans un des lit et nous assure une parfaite intimité en tirant les rideaux.

Maria ôte sa robe. J'embrasse sa gorge, ses seins, ses lèvres. Tout en se déshabillant, notre spectateur  privilégié nous regarde avec envie. Devant ce corps si parfait, une onde de désir me traverse. Je laisse Maria me dévêtir et embrasse le corps du jeune homme. Il me rend mes baisers, m'allonge sur le lit et continue à embrasser mon corps investi d'un tel désir que je sens mes seins se raidirent. Il invite Maria dans cette danse érotique en l'embrassant puis me pénètre pendant que Maria passe de l'un à l'autre, excitant encore plus mes sens.

Je perds tout contrôle et laisse le plaisir s'approprier chaque parcelle de mon être. Notre jeu dure des heures sans qu'aucun de nous ne se lasse, tout entier à notre passion dévorante.

Mais dans le monde réel, mon corps s'épuise. A contrecœur, je me retire de mon monde parfait. Reviens à la réalité de cette vie étriquée, imparfaite, qui me révulse.

 

La Vénus enchênée,  Yves Martin

Ce fut une histoire fantastique. Je restais là, témoin incrédule et indiscret, tout en me sentant privilégié.

Je rêvassais dans le square de mon quartier. Quelques arbres, une pelouse sauvage, un kiosque banal, une Vénus en marbre, un trampoline …
Le jour, c'était le domaine des mères de famille et de leur progéniture. Quelques esseulés oisifs y vagabondaient.

Quand j'entendis le gardien fermer la grille, j'étais isolé, immergé dans un livre. Le square s'était vidé. Le préposé ne m'avait pas vu.

C'était si beau et si paisible que je décidais de rester. La flambée du couchant illuminait le jardin d'ors, d'orange et de violet. L'air était lourd et le ciel orageux. Le vent berçait la cime des géants. De douces fragrances de terreau et de fleurs endormies se répandaient.

Mû par le souffle chaud, le jeune chêne planté derrière la statue agitait sa ramure. D'une feuille tremblante, furtivement, il caressait les fesses et l'entre cuisses de Vénus. 
Une voix suave murmura : Du calme jeune homme !

Un éclair gigantesque illumina brutalement la nuit. Sous le coup de foudre, il me sembla voir tressaillir la blanche statue et j'eus la folle impression que Vénus parlait et aguichait le jeune et fringant chêne.
Qu'attends-tu, depuis le temps, arbre à glands, que tu me frôles et me reluques ?
Le chêne vierge fantasmait et hésitait. Il était pourtant beau, la branche fière, vigoureuse, triomphante,, comme un poing tendu par la colère et l’impérieux désir de vivre.
Elle chantait. Je suis née d'une main et d'un génie, mais je choisis le sculpteur.
Moi, je puise mes forces enraciné dans la profondeur de la terre.
Et, ahuri, je vis un spectacle que, si ce n'étaient pas mes propres yeux qui le voyaient, il me serait impossible de croire. Vénus d'un saut descendit de son socle.
Libérons-nous de nos pièges et de nos geôliers !
Envolons-nous sur nos ailes amoureuses.
Le cœur du chêne s'enflamma.
Vénus lança aux nues sa pudeur et suggéra au chêne de ne plus dissimuler son ardeur.
Elle enlaça de ses cuisses, liane garrotant une proie vivante, le tronc droit et puissant. L'étreinte était fougueuse et exigeante.
A bout de souffle, couchée et ouverte sur la molle pelouse, elle s'offrit à son amant. L'apollon des forêts l'enleva et l'emmena chevaucher dans les plus hautes branches jusqu'à toucher le ciel.

Les deux amoureux sous mes yeux jouissaient sans tabous.


Ah, l’Amour, Kevin Thomas  

« A force de faire semblant d'être amoureux, on le devient pour de vrai. »

Frédéric Beigbeder

 

- Mr John Smith! C’est à vous ! me dit la jolie hôtesse en m’envoyant un faux sourire.

Timidement, comme d’habitude, j’écarte les rideaux de velours rouge qui séparent la salle d’attente de la « chambre des désirs », comme ils l’appellent.

Bien sûr mon vrai nom n’est pas John Smith, cela va de soi. Fréquenter de tels lieux me met toujours mal à l’aise, je préfère donc conserver l’anonymat. Aller dans un sex-shop ou un bordel, c’est un peu honteux. On n’aime pas trop se faire repérer, mais tout le monde sait qu’on y va pour prendre notre pied. Mais ici ça n’a rien à voir, car on y tombe amoureux.

Bienvenue au Pleasure Palace, le paradis où vos rêves prennent vie !

Telle est l’annonce fluo qui flotte au-dessus de l’entrée. Nous, les pauvres types en quête d’amours au pluriel, sommes des moustiques attirés par ce néon qui bourdonne la nuit. Le principe du lieu ? Vous amenez une photo de votre plus grand fantasme et ils lui donnent vie. Vous pouvez ensuite en faire ce que vous voulez, bien entendu. Avec les pilules qu’ils nous font avaler à l’entrée, tout ceci à l’air plus vrai que nature.

Mieux qu’un rêve car on s’en souvient parfaitement. Mieux que la réalité, car on oublie tout le reste.  
Scarlett Johansson a un goût de miel. Sa peau sent l’amande douce et je suis amoureux d’elle.
Monica Bellucci me séduit en jouant du piano. Nous faisons l’amour et je deviens accro.

Je drague tous les soirs, je jouis tous les soirs, j’aime tous les soirs. Telle est ma drogue.

La voisine, je la revois dans mon lit, toute transpirante après une nuit torride. Je me rappelle de ma belle-mère nue sur la table du salon. Vous imaginez ce qui me traverse l’esprit à Thanksgiving… Des souvenirs pas très catholiques refont surface devant la moitié des films que je regarde à la télé. Actrices, chanteuses, présentatrices, sportives, femmes politiques (si, si), collègues et j’en passe.

Ma tête est un studio de films pornos.

Malgré tout, quand je rentre chez moi, chaque soir, il n’y en a qu’une que j’aime. Ma femme n’est sûrement pas la plus belle ni la plus intelligente, mais elle les surpasse toutes.

Merci d’être là, Chérie.

Toi, tu m’aimes ?

 

Très cher Gaston, Betty Marescaux –Tyteca

Août 1858

Très cher Gaston,

C’est avec une grande tristesse que je vous adresse toutes mes condoléances. La maison doit être bien vide sans votre épouse à vos côtés.

Vous devez me trouver bien audacieuse de vous écrire cette lettre alors que votre chère

Hortense vient de passer et que le lit conjugal est encore chaud de sa présence. Néanmoins, j’ai compris l’intensité de notre attirance réciproque quand nous nous sommes croisés à la messe. Je suis une honnête jeune fille mais j’ai lu des romans, parfois fort légers, ils m’ont troublée et permises de connaitre un peu les choses de la vie. Sous l’ardeur de votre regard je me suis trouvée nue. De retour à la maison, je suis allée dans mon cabinet, je me suis déshabillée devant la psyché  et regardée en pensant à vous. Ce moment de profonde intimité je vous l’ai offert, comme si nous étions seuls. J’ai trente ans passé et mon corps  à la fragrance subtile,  n’a jamais connu l’homme. Le contour, la douceur, la blancheur de mon anatomie pourrait en combler plus d’un. J’ai la poitrine haute, la hanche épanouie et mille autres trésors qui n’attendent qu’à être dévoilés.

A la messe dimanche j’ai observé votre bouche et  vos mains!  J’ai eu  peur d’être découverte tant mon émotion était forte. J’étais en eau.

Je serai ce que vous voulez que je sois, je ferai ce que vous voulez que je fasse. Les hommes, parait-il, ont des envies inattendues, je tacherai de répondre à vos désirs.

Ne répondez-pas à ce  message, brûlez-le car  il est fort incorrect. Venez me rejoindre dimanche prochain après la messe au bord du verger près du col du Prat. Je vous attendrai dans l’ancienne bergerie, j’apporterai une courtepointe,  je vous offrirai mon corps,  vous me ferez femme.

Malgré le départ de votre chère Hortense, la vie peut encore vous sourire.

Nous attendrons que votre période de deuil soit écoulée pour légaliser par le mariage notre union passionnée. Dieu ne pourra que nous absoudre.  Nos propriétés mitoyennes ne feront qu’une elles aussi!

Votre Armeline de Rinvier

 

Mademoiselle,

Je vous retourne votre courrier, je ne me salirai pas à la brûler. Faites le vous-même.
De quel droit mon état de veuvage vous permet-il de m’adresser une missive indigne de votre éducation ? Vos propos pervers m’ont glacé le cœur.
Souhaitant  ne jamais  vous revoir.

Gaston de la Foulardière


Ernest, Gauthier Nabavian

Je m'appelle Ernest. Je sors avec Élodie. J'aime la regarder lorsqu'elle vient me chercher.

Je ne pense pas à elle, je ne pense à rien du tout. Je fais tout simplement mon travail, dans le bureau, à côté de la grosse boîte où tout le monde met les lettres. Mais le soir, lorsqu'on approche de l'heure de fermeture, je me place à l'extrémité de mon bureau pour avoir la vue sur la rue. Et je la regarde toujours arriver avec joie. C'est vraiment le moment où je suis le plus heureux de la journée.

Et puis quand elle rentre, quand elle ne peut pas attendre, alors là le charme n'opère plus. Là je suis triste, je la toise pourtant avec mes grands yeux pour pouvoir continuer à sortir avec elle, sinon je ne pourrai plus jamais la voir arriver à mon travail.

Une fois, elle est arrivée en avance, par surprise – c'était le plus beau jour de ma vie. Une fois j'ai voulu essayer l'inverse aussi, aller la chercher elle, mais ça n'avait aucun intérêt, j'avais conscience de louper le meilleur moment pour la journée, le train pour le paradis.

J'en ai parlé à mon ami Edmond, qui m'a dit de filmer la séquence pour pouvoir me la repasser. Alors oui, je me suis dit, essayons voir, si je peux regarder toute la journée cette séquence, je serai heureux, je n'aurai même plus besoin d'aller travailler. Alors oui, je l'ai filmée – discrètement. J'étais un peu triste, cette fois là, parce que je devais tenir la caméra et que, du coup, j'étais un peu moins heureux de la voir arriver. Mais après, j'étais tout content de pouvoir encore la regarder. C'était génial au début, même si la vidéo ne durait que 3 secondes, j'ai pris une journée de congé pour rester chez moi l'observer sous tous les angles, au ralenti, image par image, mais à la fin j'en ai eu marre. C'était quand même beaucoup mieux dans la réalité. Alors j'ai gravé la vidéo sur un petit CD, et maintenant je dois avoir des centaines de CD des arrivées d'Élodie.

Je lui fais des petits cadeaux parfois : des bijoux, des robes qu'elle ne met pas. Elle ne porte jamais de robes. Parfois, elle daigne mettre une chaussure ou une écharpe. Sinon, elle n'a jamais d'habits. Elle dit que ça l'oppresse, et je me contente d'approuver. 

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Par Irina Du Bois Sainte Marie

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