Les auteurs érotiques sont-ils des obsédés sexuels ? (6ème partie)

Les auteurs érotiques sont-ils des obsédés sexuels ? (6ème partie)

Publiée le 24 octobre 2013  

FELINI

Présentez-vous

Bonjour Irina et merci de m'offrir cet espace de paroles.

Je suis un bébé auteur : je n’ai commencé à écrire qu’au début de l’année 2013...

J'écris des textes érotiques (mais pas uniquement) dont j'aime faire la lecture. Cette démarche d'oralité est avant tout un réel plaisir personnel (j'adore jouer de ma voix), mais si je l'ai choisie c'est aussi parce que l'ouïe possède, à mon sens, une charge érotique très puissante.

Mon style est concis et assez (très ?) cru. J'écris presque toujours à la première personne car j'aime l'effet que cela produit sur le lecteur : c'est comme une confidence que la narratrice lui ferait au creux de l'oreille, les images me semblent plus évocatrices, percutantes, plus vraies.

Comment l'inspiration vous vient-elle ? Comment travaillez-vous ?

L'inspiration me vient de manière impromptue, brutale. Elle peut surgir alors que je discute de tout autre chose... Je la puise à l'intérieur de moi, dans ma propre fantasmagorie. 

Pour ce qui est de la manière dont je travaille, tout dépend s'il s'agit d'une écriture solo ou d'un duo avec mon co-auteur Alex Alagbé.

Quand j'écris seule, je le fais dans mon lit avec mon petit ordinateur portable. Je fume cigarette sur cigarette : cela m'aide à me concentrer et c'est associé à l'émulation intellectuelle du processus de création.

Je me suis retrouvée dans ce que nous dit Octavie Delvaux à l'occasion de votre interview : 

comme elle, je suis tiraillée entre ma tendance naturelle à la flemme et mon perfectionnisme même si cet antagonisme se manifeste différemment chez moi. Je refuse de produire un résultat que je juge médiocre, mais j'ai souvent du mal à « m'y mettre »... Lorsque par miracle j'y arrive et que j'ai trouvé l'angle d'attaque de mon histoire, l'écriture est assez fluide et je reviens rarement sur ce que j'ai écrit.

Il n'y a pas de moment propice à l'écriture mais une disposition psychologique plus ou moins favorable. Une relative sérénité est nécessaire pour que mon esprit s'échappe de lui-même... 

Avec Alex, c'est différent. Notre complicité amoureuse et créative est telle qu'il y a quelque chose de très ludique dans cet exercice, mais aussi de plus « grave » car c'est notre propre histoire qui est en jeu à chaque fois.  Nous travaillons sous la forme de la correspondance : il écrit, je lui réponds et réciproquement.

De quel texte êtes-vous la plus fière ?

Cette question est la plus redoutable de votre interview, Irina ! 

J'aime beaucoup la série des Lettres à mon Amant. Chacune de ces 14 lettres a une existence propre, mais le tout raconte aussi une histoire. Celle d'une femme qui se laisse entraîner par un amant dans un relation que l'on pourrait qualifier à certains égard de soumission-domination. Une dépendance affective et sexuelle dont elle finira par se libérer en rencontrant l'amour d'un autre homme. 

J'ai aussi une tendresse particulière pour un texte qui évoque un thème peu abordé : la bisexualité masculine. L'homme aux collants noirs évoque un trio entre une femme et deux hommes, à travers les yeux « neufs » de cette femme qui vit pour la première fois ce type de relation. Il me semble que c'est un joli texte, avec certes des mots crus mais aussi une certaine fraîcheur, voire une candeur dans la manière de présenter les choses.

Enfin, je suis également fière des écrits que j'ai réalisés avec Alex (A. et L. correspondances ; Entre C. et Q.) car il y a quelque chose de très beau et de rare dans cette expérience commune. 

Confiez-nous une anecdotes liée à votre statut d'auteur érotique.

Je n'ai pas d'anecdote précise, mais plutôt un problème auquel est confronté bon nombre d'auteurs érotiques, surtout lorsque ces auteurs sont des femmes. Je ne communique pas sur mon apparence physique et cela a tendance à, comment dire, frustrer certains de mes lecteurs ou auditeurs masculins. Leurs fantasmes à ce sujet n'ont pas de limite ! Certains imaginent que je suis une femme fatale, d'autres, au contraire, que je cache un physique disgracieux et l'on m'a même soupçonnée d'être un transexuel !

Ces réactions me font rire, mais ont parfois tendance à m'agacer car d'une part elles sont répétitives et souvent insistantes (« Allez ! Envoyez-moi une photo de vous, vous pouvez bien me faire cette faveur... ») et d'autre part, cela renvoie à une problématique plus grave : les stigmates associés à l'image d'une femme qui parle librement de sexualité (« elle parle forcément de sa sexualité » et « elle est forcément une femme facile » pour rester polie) et l'impossibilité chez certains à faire la différence entre l'auteur et la personne. Dans l'Entretien indiscret que j'ai consacré à Clara Basteh, j'aime beaucoup ce qu'elle nous dit à ce sujet : « si j'écrivais des romans de science fiction, on ne me demanderait pas si je suis allée dans le futur pour trouver l'inspiration ! » (Je la cite de mémoire). Par cette formule, je trouve que Clara résume parfaitement les choses.

Un auteur de littérature érotique est-il forcément un obsédé sexuel ?

J'aurais envie de répondre non, mais...

Je dirais donc que tout dépend de la catégorie d'auteurs à laquelle on appartient. Il me semble qu'il en existe deux. Il y a des auteurs capables d'écrire, de manière distanciée, sur n'importe quel sujet. Ces auteurs, que j'admire pour cette faculté-là, ont une façon très « professionnelle » d'aborder l'écriture érotique, ils n'ont pas besoin de se sentir proches de leur sujet pour produire une histoire convaincante.

Et puis, il y a les autres...dans lesquels je me reconnais davantage. Pour écrire un texte érotique, il faut que le thème (imposé ou choisi) « me parle », fasse partie de mon univers érotique vécu ou fantasmé.

Autrement dit, au regard de certaines normes morales, je suis probablement une obsédée sexuelle !

Où peut-on vous retrouver ?

Mes mots en voix
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THOMAS GALLEY

Présentez-vous

Comme tout le monde, j'ai des rôles voire des identités multiples. Dans la vie hors ligne, j'ai un diplôme universitaire, un boulot, une famille. Et quand je me connecte, si je ne change pas forcément de personnalité, je prends plaisir à me glisser dans des peaux assez diverses, comme par exemple celle du Sanglier littéraire qui, depuis sa Bauge, reluque la littérature et celles et ceux qui la font, rumine ses pensées et se décide, quand cela lui chante, de balancer sa sauce. Dans les instants de plus grand sérieux, je deviens le collaborateur d'un éditeur numérique plutôt cool, et je débusque des gens assez déjantés pour tenter l'aventure avec nous. Et parfois, quelque part entre les deux univers où se déroule ma vie, je m'installe devant mon clavier, lance mon logiciel préféré de traitement de texte, et remplis l'écran de paroles dont je compte faire un ensemble plus ou moins présentable.

Comment l'inspiration vous vient-elle ? Comment travaillez-vous ?

 Franchement, je n'en sais rien. Parfois, très rarement, quelque chose me trotte dans la tête, je me surprends à tâter ce bout informe de pensées, à vouloir lui imprimer une forme, ou plutôt à essayer de percer la croûte pour voir ce qu'il y a à l'intérieur. Cela continue pendant un certain temps, et il m'arrive de m'énerver assez pour finalement me rendre à l'évidence – il y a une intrigue derrière tout ça, des personnages auxquels je peux donner une voix pour leur permettre de se raconter, d'offrir leurs histoires à d'autres. Et tout d'abord à moi-même. Parce que cela m'arrive de me relire et de tout à fait oublier que ç'a été moi qui ai accouché de ces paroles, comme si j'avais fermé les yeux pour mieux entendre ce qu'ils me racontent, de l'autre côté du miroir.

De quel texte êtes-vous le plus fier ?

Je suis fier de tous mes textes, et je ne voudrais pas prendre le risque de voir mes personnages se fâcher. Ou pire encore, de m'exposer aux rétributions de la part de mes éditeurs ;-) Il y a un texte pourtant – qui n'est pas érotique – que j'ai écrit dans le cadre d'un marathon littéraire, les 24 heures d'écriture. C'était une expérience tout à fait insolite, qui m'a permis non seulement de rencontrer des gens qui par la suite sont devenus des ami(e)s, mais surtout de voir à l'œuvre une extraordinaire créativité qui non seulement ne se laisse pas intimider par l'inconnu mais qui en profite pour s'épanouir.

Ceci étant dit, je ne nierais jamais l'affection extraordinaire qui me lie à mon tout premier roman, L'aventure de Nathalie, qui est né d'une multitude d'expériences qui ont contribué à me façonner, à faire de moi celui que je suis.

Confiez-nous une anecdotes liée à votre statut d'auteur érotique.

Anecdote ? Ben, pas grand-chose, sauf peut-être cette histoire où le PDG de ma boîte m'a abordé pour me demander de lui donner à lire un de mes textes érotiques. Et il a été très déçu en apprenant que c'était écrit en français, langue qu'il ne maîtrise pas du tout. À part ça, je pense que le fait de vivre en Allemagne, si cela me coupe quelque peu des échanges, me permet en même temps de vivre tranquillement mes rôles multiples et me dispense de devoir me réfugier derrière un pseudonyme.

Un auteur de littérature érotique est-il forcément un obsédé sexuel ?

Obsédé sexuel, c'est un bien grand mot, non ? Si vous entendez par-là quelqu'un qui ne pense qu'à ça, je peux affirmer que je n'appartiens pas à cette espèce-là. Il m'arrive pourtant de m'imaginer dans des situations insolites, avec des partenaires dont certaines sont issues des rencontres quotidiennes. Je ne me prive pas non plus de regarder les belles femmes et de profiter de la belle saison et de son lot de jupes courtes, de débardeurs et de seins libérés de leurs soutiens. Et parfois, une rêverie ne me quitte plus jusqu'à ce que je décide d'en faire profiter un de mes personnages.

Où peut-on vous retrouver ?

Tout d'abord, et la plupart du temps, dans la Bauge littéraire, en train de me vautrer dans la boue et de me laisser aller à des découvertes littéraires : http://postlucemtenebrae.eu/

Ensuite, je me promène sur les réseaux sociaux, principalement Facebook et Twitter : @tomppa_28.

Ceux qui voudraient consulter mes textes, les trouveront sur les sites de mes éditeurs respectifs :

  • Edicool pour les textes courts, publiés dans la collection Les Dix 
  • Et Numériklivres pour mon dernier texte, Les Chattes 

La nouvelle issue des 24 heures d'écritures peut être consultée dans les archives du site.

Et comme l'éditeur de mon premier roman a dû mettre les clés sous le paillasson, on ne le trouve pour l'instant plus que sur internet où je lui ai concocté un beau petit site avec une version superbement illustrée : http://nathaliesadventure.eu/.


GIER

Présentez-vous

Je suis un jeune auteur. Dans le sens ou, quoique écrivant depuis longtemps, je n’ai trouvé un éditeur que depuis peu. Ma profession faisant assez mauvais ménage avec l’érotisme, j’ai dû me dissimuler derrière le pseudo de GIER.

Avouons que dans le domaine de l’érotisme, mon vrai intérêt c’est l’image, le dessin, le tableau, l’illustration. L’écriture est un violon d’Ingres. J’y viens par intermittence. Il m’arrive de rester de longs mois sans écrire. Et soudain quelque chose, le plus souvent d’anodin, déclenche l’idée et l’envie d’écrire. 

Comment l'inspiration vous vient-elle ? Comment travaillez-vous ?

N’importe quoi peut être à l’origine de l’écriture. Ce matin, en voiture, je longe un trottoir sur lequel se trouve un groupe de jeunes gens. Une fille fait un joli geste : elle se déhanche et se donne une tape sur les fesses du plat de la main. Je ne sais évidemment pas ce qui se dit. Ça rigole bien dans le groupe. Ça peut être un point de départ. 

Je prends des bouts de réalité, je les sors de leurs contextes, j’en retiens un mot, un regard, un geste, une odeur, le souvenir est sublimé, embelli ou enlaidi (le sexe triste, c’est bien aussi !) tordu pour coller avec la narration, enrichi par l’imagination et l’acte de création.

Tout peut se transformer en récit, tout permet d’enrichir un récit.

Quand je commence un texte, j’y travaille longtemps. Je jette tout sur le papier puis je trie et commence à éliminer. J’y reviens souvent et sur de longues périodes. Puis quand je crois que c’est terminé, j’envoie tout ça à l’éditeur, une femme formidable, qui gentiment m’explique que j’ai à peu près tout à revoir. Et je m’y colle encore et encore ! Jusqu’à ce qu'elle donne son aval. Ainsi vous comprendrez la réponse à la question suivante !

De quel texte êtes-vous le plus fier ?

 Je ne suis pas fier de mes textes. Plus j’écris et plus je prends conscience que je ne sais pas écrire.

Confiez-nous une anecdotes liée à votre statut d'auteur érotique.

Liée à l’écriture non. Mais au dessin oui ! Un matin d’été, je dessinais le paysage sur une plage naturiste de Cassis. Cette activité a attiré l’attention d’une jeune femme Suisse qui s’est approchée pour voir. Conversation, séduction réciproque, regards, gestes et advint ce qui arrive quand un homme et une femme libertins croisent leurs chemins ! 

Et sur la plage (très peu fréquentée) c’est encore mieux ! 

Un auteur de littérature érotique est-il forcément un obsédé sexuel ?

Il me semble que dans la notion d’obsession il y a une dimension pathologique. Je ne crois pas être malade et n’ai pas le sentiment d’avoir rencontré de grands malades lorsqu’il m’est arrivé de croiser la route d’auteurs d’œuvres érotiques ou qui mettent en valeur le corps. 

Je crois au contraire que ceux qui sont malades sont ceux qui écartent et nient leurs fantasmes. Les individus, les sociétés qui refoulent leur imaginaire sont malades, agonisant même ! Un auteur (d’image ou de mots) érotique est, je pense, très équilibré.

Je ne connais pas de créateur érotique en proie au sexe comme unique objet de réflexion. La plupart ont d’autres activités créatrices ayant un autre objet que le corps, l’éros et le sexe. 

L’obsédé se permet tout en toute circonstance. Sans le souci de l’autre. Or ce que privilégient en général les auteurs d’ouvrages érotiques c’est la rencontre avec cet autre qui ouvre son intime et qui pousse pareillement à s’ouvrir à lui.  

D’autre part, il m’est difficile de répondre à une question dont l’objet se définit assez mal. Où se situe la frontière entre l’obsession et la normalité, est-ce le droit qui la définit, la psychiatrie, la culture ? Je n’en sais rien.

Où peut-on vous retrouver ?

Sur mon blog Carnet d'Eros.


DANIEL NGUYEN

Présentez-vous

Je m'appelle Daniel Nguyen et je signe mes textes sous mon vrai nom. Je suis venu à l'écriture grâce à la photo. Tout a commencé par une série de photos intitulée "Chambre avec vue" dont j'ai écrit les textes qui l'accompagnaient à des fins d'illustration des images. Puis, en 2008, j'ai continué d'écrire, sans le support des photos. Cela a donné lieu à mon premier roman : le Réceptionniste. Depuis, j'ai été plusieurs fois publié dans la collection "Osez 20 histoires" de la Musardine pour des nouvelles.

photo de la série Chambre avec vue

Comment l'inspiration vous vient-elle ? Comment travaillez-vous ?

Mes récits sont purement imaginaires pour la plupart. J'y ajoute toujours une petite touche de réalité pour que l'ensemble soit crédible aux yeux des lecteurs, dans l'idée qu'il il leur soit impossible de discerner le vécu de l'imaginé. Je glisse parfois des détails dans mes textes que seule la personne concernée peut reconnaître. Souvent, lorsque je réponds à des appels à textes de la Musardine, j'aime détourner le thème ou des objets usuels. Pour les trains, j'ai utilisé le funiculaire de Montmartre. J'ai dû ensuite relever le défi de concevoir un rapport qui ne dure que le temps de la montée : une minute et demi. Pour l'opus sur les sextoys, je me suis amusé avec une pomme de terre qui, une fois sculptée, change de fonction, avant de redevenir pomme de terre.

Pour écrire, j'ai besoin d'être seul, j'écoute souvent de la musique.

De quel texte êtes-vous le plus fier ?

De ma nouvelle récemment publiée dans Osez 20 histoires de sexe avec des pompiers où je détourne une cigarette électronique.

Confiez-nous une anecdotes liée à votre statut d'auteur érotique.

Il m'arrive de me lancer dans de gros délires que des lecteurs mettent à exécution... à leur dépens parfois. Je pense notamment au texte que j'ai publié dans Osez 20 histoires de sexe en vacances. J'y parle de l'usage détourné du goupillon, mais je ne vous en dis pas plus...

Un auteur de littérature érotique est-il forcément un obsédé sexuel ?

Je ne sais pas ce qu'est un obsédé sexuel. Bien sûr, il faut avoir un certain attrait pour l'érotisme, la sexualité. Mais je n'aime pas le porno par exemple. Je trouve ça trop chirurgical et je n'aime pas l'image qu'il renvoie de la femme.

Où peut-on vous retrouver ?

Dans une dizaine de recueils de nouvelles de la collection "Osez 20 histoires de sexe" de la Musardine.
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Note d'Irina : retrouvez également l'interview de Daniel Nguyen et Octavie Delvaux sur France Inter dans l'émission Vos désirs sont mes nuits animée par Agathe André.
A voir également : l'interview de Daniel réalisée par Sandra Franrenet. 

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